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Le cuivre : ce poison si naturel !

Le cuivre : ce poison si naturel !

Alain CARBONNEAU

Voici le témoignage d’un vigneron champenois dans une lettre à sa clientèle, justement soucieux des questions de durabilité et critique vis-à-vis du cahier des charges de la viticulture biologique, en particulier au sujet du cuivre.

Où en est-on maintenant dans la connaissance des effets du cuivre et dans la règlementation de l’usage des produits cupriques ?

Le témoignage de ce vigneron est révélateur du fait que la plupart des gens considèrent le cuivre comme un élément dangereux, mais seulement au niveau de son accumulation dans les sols entraînant des altérations de la solution nutritive (problèmes de toxicité) et de la faune. L’INRA a publié une synthèse sur l’usage du cuivre et des connaissances de ses effets sur l’ensemble des cultures concernées.

 

Cependant d’autres sujets de préoccupation sont peu connus, et il est donc nécessaire d’ajouter les effets directs sur la santé du consommateur avec le rôle du cuivre dans la modification de la structure de la plaque d’athérome (Marie-Annette Carbonneau citée par Alain Carbonneau lors du GiESCO 2015 de Pech Rouge / Montpellier). Nous reproduisons la figure 1 présentée à cette occasion.

Figure 1. Présentation des effets généraux dangereux du cuivre. La photo du haut montre un vieux vignoble de l’Aveyron traité à la bouillie bordelaise qui a même laissé des traces indélébiles sur le mur de la cabane à outils. La photo du bas illustre l’impact du cuivre dans la maladie de l’athérosclérose (crédit Alain Carbonneau).

La suppression de l’usage de cuivre est à l’ordre du jour des règlementations européennes et des pratiques viticoles. Les doses pratiquées sont résumées dans le rapport INRA précité :

« En AB, trois enquêtes récentes, réalisées en France et en Suisse, montrent que la consommation effective de cuivre, si elle est souvent sensiblement inférieure aux doses maximales autorisées, reste quand même élevée. En Suisse, elle avoisine 3 kg/ha/an en cultures de pomme de terre ou sur vigne (cépages sensibles au mildiou), 2,5 kg/ha/an pour la production de cerises, et 1 kg/ha/an en vergers de pomme et de poire ; ces doses se situent entre 60 et 80% des doses maximales autorisées. En France, l'utilisation de cuivre en viticulture biologique avoisine en moyenne 5 kg/ha/an en année à forte pression de mildiou (soit environ un an sur deux), avec de très fortes disparités entre régions : 1,6 kg Cu/ha/an en Alsace, 5,6 kg en Val de Loire, et jusqu’à plus de 6 kg en Champagne, Midi-Pyrénées ou Languedoc-Roussillon. Les variations interannuelles sont également marquées : la consommation moyenne française est ainsi de 3 kg Cu/ha/an en année de faible pression de maladie, contre 5 en année de forte pression. La même enquête relève des tendances très similaires en arboriculture fruitière et en productions légumières. »

Illustration des dépôts de bouillie bordelaise (crédit INRA).

Le règlement européen de l’agriculture biologique limitait à 6 kg Cu/ha/an (la moyenne lissée sur 5ans) la quantité de cuivre métal utilisée dans divers produits homologués de protection des plantes. Cette autorisation accordée sur le plan pluriannuel montre bien que le premier souci est celui de l’accumulation dans les sols, en acceptant par principe une quantité beaucoup plus élevée certaines années ce qui pourrait conduire à des doses de résidus dans les vins au-delà de certaines limites quand bien même la moyenne quinquennale serait respectée.

Le 27 novembre 2018 la Commission Européenne, saisie par des organisations en charge de la santé demandant la suppression de l’utilisation des produits cupriques en agriculture, n’a pas interdit l’usage du cuivre mais a décidé la ré-homologation à 4 kg Cu/ha/an lissée sur 7 ans en particulier pour la vigne. Notons que ce seuil reste supérieur à celui déjà pratiqué en Suisse. Si l’on continue à raisonner sur la base de l’accumulation pluriannuelle, la nouvelle règlementation tolère donc 28 kg Cu/ha sur 7 ans. L’ancienne tolérait 30 kg Cu/ha sur 5 ans, ce qui ramené à 7 ans équivaudrait à 42 kg Cu/ha. La nouvelle règlementation réduit cette accumulation de 1/3, sans pour autant éviter le risque de pics annuels importants en année de forte pression mildiou comme 2018 dans de nombreux vignobles. Il est clair que cette mesure relève du compromis et peut probablement être qualifiée de transitoire.

Revenons à la pratique de l’utilisation d’une bouillie bordelaise qui est un sulfate de cuivre penta-hydraté. Le cuivre y représente 25,4% du poids ; la concentration du produit généralement utilisée étant de 125 g/5l d’eau, chaque application avec un pulvérisateur classique épandant 170l/ha laisse 4,25 kg de produit/ha, soit 1,08 kg de Cu métal/ha. Si l’on raisonne en nombre d’applications de bouillie bordelaise, le quota de cuivre est atteint avec   environ en moyenne 4 traitements/an. Est-ce réaliste ? Certains viticulteurs ‘bio’ réduisent d’environ moitié les doses de produit cuprique, sauf en cas de forte attaque ; mais malgré tout, en dehors des zones méditerranéennes (sauf année exceptionnelle comme 2018), le nombre d’applications est généralement bien supérieur à 4. Il est donc urgent de penser à d’autres solutions car à terme on tend vers le 0 à 1 kg Cu/ha/an non lissé !

Ces solutions résident plus que jamais dans la culture de cépages résistants, et aussi sur les cépages classiques dans l’usage le plus poussé possible de produits biodégradables en laissant aux produits les plus efficaces (éliciteurs de synthèse des défenses naturelles, un traitement cuprique annuel) la place la plus réduite possible.

Pour terminer sur une note humoristique, ne communiquons plus sur la panacée de la bouillie bordelaise et la lutte tout azimut comme cela a pu être fait dans le passé (figure ci-après), en rappelant tout de même qu’à l’époque elle a permis de sauver le vignoble du mildiou !...

Publicité ou panégyrique pour la bouillie bordelaise parue en 1903, avec des fautes de noms (source internet).

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