La greffe anglaise herbacée de la vigne : Méthode et résultats des essais 2013 et 2016 dans l'Hérault

"Un outil utile à l'évolution rapide de l'encépagement"

THE HERBACEOUS SPICE GRAFT ON GRAPEVINE
GRAFTING METHOD AND RESULTS OF TESTS PERFORMED IN 2013 AND 2016 IN DEPARTMENT OF HERAULT

François CHAUDIÈRE
Entreprise L'EPIBIOTE, 36 Avenue d'Espondeilhan F-34290 SERVIAN
Email :
lepibiote@orange.fr

 

Résumé
La greffe anglaise herbacée a été expérimentée pour surgreffer des vignes dans le département de l'Hérault. Les souches ont été récépées au printemps et les rejets greffés en juillet avec des rameaux prélevés le jour même. L'entrée en croissance est rapide et homogène, le taux de réussite satisfaisant (83,6 %) et la soudure complète. Les essais réalisés en 2013 et 2016 révèlent respectivement, l'importance de la protection fongicide après greffage sur cépage sensible au Mildiou (Servant B) et l'aptitude d'une variété hybride résistante au Mildiou (Souvignier G) à en faire l'économie.

Mot-clés : Greffe anglaise, Greffe herbacée, Surgreffage, Variété hybride résistante, Mildiou, Vigne, Point de greffe

Abstract
The green splice graft has been experimented for top-grafting vines in the department of Herault. The vine stocks had been cut back in spring and the suckers grafted in July with shouts harvested the same day. The beginning of growth has proved to be rapid and homogeneous, the success rate is satisfactory (83,6 %) and the graft-union is completed. The tests realized in 2013 and 2016 has shown respectively, the importance of protection against fungus after grafting with downy Mildew sensitive vine variety (Servant B) and the ability of resistant hybrid grape variety (Souvignier G) to spare this process.

Keywords : Splice graft, Green grafting, Top-grafting, Resistant hybrid grape variety, Vine, Downy Mildew, Graft union

1-  INTRODUCTION

Parallèlement aux travaux de surgreffage de vignes dans lesquels je me suis spécialisé, j'expérimente depuis une quinzaine d'années les techniques de greffage herbacé sur vigne. Après avoir expérimenté la greffe hongroise herbacée (Chaudière 2007), qui est une greffe en fente simple, j'ai découvert en 2011 les travaux de Harmon et Snyder sur la greffe anglaise herbacée, dite de bois vert, dans le traité de viticulture général de Winkler et al. (1974). L'article qu'ils publièrent en 1952 m'apparut d'autant plus précieux qu'il était l'aboutissement de plus de quinze ans de recherche commune sur les techniques de greffage de vigne en Californie.

Je décidais aussitôt de la tester et je me mis à la recherche de vignerons prêts à s'engager dans l'expérience, en contrepartie d'un petit surgreffage bénévole. Je réalisai ainsi quatre essais préliminaires entre 2012 et 2015 dans différents départements (Gard, Ardèche, Hérault et Vaucluse). Le manque de suivi en été (arrosages et traitements) entraîna des résultats décevants mais instructifs, comme nous le verrons avec l'essai de 2013. C'est seulement en 2016, avec la collaboration d'un vigneron chercheur, et le recours à un hybride résistant au Mildiou, que l'expérience a pu enfin être menée à terme.

Cet article présente le matériel mis en oeuvre, la méthode utilisée et les résultats obtenus, ainsi que certaines caractéristiques remarquables que sont la vitesse d'entrée en croissance du greffon, la qualité de la soudure t la virulence du Mildiou. Enfin, il sera proposé quelques domaines d'application.

2-  MATÉRIEL

Présentation générale
Les parcelles sont situées dans le département de l'Hérault, dans le vignoble du Languedoc. Le climat est méditerranéen. Les valeurs annuelles moyennes pour Montpellier sont :

température : 14,3° , nombre de jours de maxima > 30°C : 16, durée d'insolation : 2661 heures, précipitations : 690 mm (Dubrion 2010).


Parcelle P13 (tableau 1)


Tableau 1. Caractéristiques des parcelles surgreffées
Table 1. Top-grafting plot characteristics

- La parcelle est située sur la commune de Gignac au lieu-dit Mas de Ratte, sur un coteau orienté à l'est, sur sol argilo-calcaire, à 50m d'altitude. La vigne est conduite en cordon double (fils porteur à 50cm + releveurs), à la densité de 4444 pieds/ha (2,25m x 1m).
 

- Le surgreffage porte sur 82 ceps de Muscat de Hambourg sur porte-greffes SO4 âgés de 14 ans. Les ceps sont en bon état sanitaire et la vigueur est bonne.
 

- Le vigneron souhaite surgreffer du Servant B pour sa consommation personnelle. Il s'agit d'une variété de raisin de table (double fin) traditionnelle, se conservant bien, autrefois très cultivée dans la vallée de l'Hérault.
 

- Les greffons proviennent d'une vieille parcelle conduite en gobelet, située sur la commune de Gignac au lieu-dit Les Treize Vents.


 

Parcelle P16

- La parcelle est située sur la commune de Béziers au lieu-dit Ribaute, dans une plaine, au bord d'un cours d'eau, sur sol limoneux, à 35m d'altitude. La vigne est conduite en buisson naturel (taille rase mécanique) sur un fil à 75 cm, à densité de 4000 pieds/ha (2,5m x 1m).
 

- Le surgreffage porte sur 47 ceps de Merlot sur porte-greffe SO4 âgés de 12 ans. Les ceps sont vigoureux mais l'état sanitaire du premier rang est médiocre (20,0% de manquants) car il côtoie une vieille parcelle atteinte de pourridié.
 

- La parcelle produit un vin de Pays d'Oc.
 

- Les greffons proviennent d'une parcelle en troisième feuille, également conduite en buisson naturel, située sur la commune de Corneilhan au lieu-dit Chante-clair.
 

- Le cépage, le Souvignier gris ® (Cabernet Sauvignon x Bronner ®) a été obtenu en 1983 par le Dr Becker de l'institut de Fribourg (Allemagne). Il présente une résistance élevée au mildiou et à l'oïdium. c'est un hybride interspécifique.
 

- Le vigneron, M. Pugibet, est un pionnier dans la production de vins de cépages hybrides résistants ou tolérants européens. Au domaine de la Colombette, le Souvignier G, conduit en agriculture biologique, sert à l'élaboration d'un vin de France blanc très apprécié.


 

3- MÉTHODE DE GREFFAGE


Classification
La greffe herbacée en anglaise simple (sans languette) est une greffe en biseaux à oeil poussant. Elle se pratique de juin à juillet sur des rameaux rigoureux (issus d'un recépage) dont la montée de sève alimente immédiatement le greffon.



Origine
C'est dans le Traité de jardinage de Jacques Boyceau (1638) que l'on trouve la première description de la greffe anglaise en Occident - elle était déjà connue des Chinois - sous le nom de greffe par copulation ou greffe en oreilles de lièvre (Daniel 1927).


Depuis l'Antiquité la vigne était cultivée franche de pied. Avec la crise du phylloxéra qui commença en France dans les années 1860, les vignerons furent contraints progressivement à l'arrachage et à la replantation de l'ensemble du vignoble sur porte-greffes résistants : espèces américaines du genre Vitis ou hybrides interspécifiques. En trente ans, 1,5 million d'hectares furent replantés (Galet 1999). On assista alors à une profusion d'expériences sur le greffage de la vigne (greffes ligneuses, herbacées, par approche).


Plus tard, on ne conserva que deux méthodes de greffages ligneux, simples et complémentaires : la greffe en fente avec butte de terre pour le greffage en place, et la greffe anglaise compliquée, appelée "fente anglaise" par les pépiniéristes viticoles, pour le greffage sur table.


Cependant, dans d'autres pays, on continua à pratiquer et à améliorer la greffe herbacée de la vigne.


- C. Baltet (1907), écrit qu'"une école de viticulture d'Autriche a réussi le greffage herbacé de la vigne", puis décrit et illustre la greffe herbacée en anglaise simple pratiquée en France.


- J.C. Woodfin (1931) décrit la greffe en vert de la vigne (anglaise simple) l'utilisée par les vignerons d'Auckland (Nouvelle Zélande), et précise qu'elle a été introduite par les colons originaires de Dalmatie (littoral adriatique de l'ex-Yougoslavie).


- N. Harmon et E. Snyder, deux chercheurs de la station de Fresno (Californie, USA), réalisèrent de 1946 à 1947, un millier de greffes anglaise herbacées sur porte-greffes en deuxième feuille, en reprenant la technique de l'auteur précédant et en l'améliorant. Leur objectif était de caractériser les facteurs de réussite qu'ils avaient identifiés : l'époque de greffage, le délai nécessaire entre l'éborgnage du sujet et le greffage, le degré de maturité des rameaux, la longueur des biseaux, l'arrosage, les différents types de liens. C'est leur technique, adaptée au surgreffage, qui est présentée dans cet article.


- D. Mann et H. Rodda (A968) décrivent la greffe en vert de "Dalmatie" (identique à la technique des auteurs californiens) utilisée par les vignerons de la région de Swan (Australie Occidentale).


Le greffage ligneux sur table, quant à lui, connut une transformation radicale à partir des années soixante-dix. La greffe anglaise compliquée jusqu'alors utilisée fut rapidement supplantée par la greffe oméga. Il s'agit d'une greffe mécanique en incrustation qui automatise la découpe est l'assemblage avec une cadence de 5 à 6.000 greffes par jour.


Enfin, la spécialisation des exploitations agricoles conduisit à la généralisation de la plantation de greffés-soudés, et plus personne ne s'intéressa au greffage herbacé de vigne en place.

 


Préparation du sujet (figure 1)


Figure 1. Rejets de Merlot / SO4 effeuillés et éborgnés à la base (P16 à J-4)
Figure 1. Striped and disbudded shouts at the bottom of Merlot / SO4 (P16 at D-4)

 

 

- Recéper la souche 15 cm au-dessus du bourrelet de greffage, entre mars et mi-juin, et enduire la coupe de mastic à cicatriser (Lacbalsam),


- Dégager une cuvette autour du pied et fixer deux tuteurs de part et d'autre,


- Attacher les rejets adventifs du tuteur, et arroser en l'absence de pluie, en ébourgeonnant les rejets sortis trop haut (près de la section de coupe).


- Lorsque les rameaux sont suffisamment développés (minimum 50 cm et maximum 2 m) on effectue, quatre jours minimum avant la date de greffage, la préparation des souches de la façon suivante :

 

  1. Sélectionner à la base du tronc les rameaux bien venants (1 à 3) qui serviront de sujet, et ébourgeonner entièrement le reste du pied,
     
  2. Effeuiller et éborgner complètement les vingt premiers centimètres des rameaux choisis,  sans endommager la partie supérieure. Avec un sécateur (ou une pince à éborgner) pratiquer une coupe tangentielle, au niveau du noeud, de manière à sectionner le périole à ras et les bourgeons qu'il abrite, en entaillant le moins possible le rameau. Terminer en éborgnant les yeux situés à la base du rameau (avec la pointe du sécateur). Quatre jours plus tard, les plaies engendrées auront commencé à cicatriser et les écoulements de sève seront taris.
     
  3. Arroser 2 x 20 litres/cep/semaine.


Conduite de la vigne-mère de greffons
- La vigne doit être vigoureuse pour présenter, en début d'été, des rameaux en croissance de la même section que les rejets issus du recépage. Au besoin, on réduira la charge à la taille.

- Au printemps, il faudra palisser les rameaux puis les enrouler sur le fil supérieur, afin qu'il ne soient ni écimés ni rognés.



Époque de greffage (figure 2, tableau 2)
 

 

Figure 2. Tige greffon de Souvignier G effeuillée et égrappée (P16 à J+0)
Figure 2. Scion stern of Souvignier G striped and removed from clusters (P16 at D+0)

 


Tableau 2. Recépage et surgreffage : Dates et stades phénologiques
Table 2. Cut back and top-grafting : Dates and phenological stages

 

- Le greffage se pratique en juin ou juillet. Pour opérer en une fois, il est nécessaire d'attendre que tous les rejets soient suffisamment développés. On peut freiner le développement des rameaux les plus précoces par un pincement à deux yeux, dont les anticipés ne tarderont pas à reformer des rameaux vigoureux, ou en retardant la sélection parmi les rejets.


- Le stade le plus favorable de développement du rameau est atteint, à hauteur de greffage, lorsque la moelle est de couleur blanche et de l'épiderme toujours vert. On peut opérer à un stade plus précoce mais les manipulations (entaille du biseau et ligature) sont alors plus


- La récolte des greffons est pratiquée le jour du greffage. Aussitôt cueillie, la tige est débarrassé (au sécateur) des anticipés, des feuilles (au niveau du pétiole), des vrilles et des grappes, et on la plonge (talon en bas) dans un seau d'eau. On enveloppe le tout dans de la toile de jute trempée.

 


Entailles, assemblage et ligature (Figure 3)

 

Figure 3. Biseaux avant assemblage de la greffe anglaise herbacée
de Souvignier G sur Merlot/SO4 (P16)

Figure 3. Bevels before assembly of the green splice graft
of Souvignier G on Merlot/SO4 (P16)

 

- Rabattre la végétation au-dessus de la partie éborgnée, pour dégager l'accès au cep.


- Choisir un rejet correspondant aux diamètres des greffons récoltés, et, sur celui-ci, le premier entre-noeud assez long pour y pratiquer un biseau de 3 à 5 cm de long, formant un angle 10° à 20° avec son axe. La coupe est effectuée de bas en haut, avec une serpette affûtée comme un rasoir, et essuyée régulièrement sur un chiffon. Le biseau obtenu doit être régulier. La tombée est recueillie. Elle va servir de modèle pour la découpe du greffon.


- Choisir, sur la tige greffon un mérithalle de mêmes caractéristiques (mesures du ø au pied à coulisse). La coupe commence dans la partie supérieure du mérithalle, à l'opposé de l'oeil, et à finit à l'aplomb de ce dernier, dans la partie inférieure. Contrôler la similitude des biseaux et reprendre la coupe, si nécessaire, sur toute la longueur. Couper ensuite la tige deux entre-noeuds au-dessus puis éborgner l'oeil supérieur du rameau en conservant le diaphragme. Il s'agit d'une amélioration que j'ai apportée en 2016 pour réduire le risque de dessèchement du greffon.


- Appliquer le rameau greffon de façon à ce que les plaies se recouvrent mutuellement et ligaturer fermement avec une bandelette en caoutchouc de pépinière (Flexiband) en faisant se recouvrir les spires, afin d'éviter la perte de sève sur la zone de contact.

 


Suivi des greffes
- Arroser aussitôt après greffage pendant 3 semaines à raison 2 x 20 litres/cep/semaine en l'absence de pluie, puis réduire progressivement et arrêter fin août.


- Ebourgeonner, attacher, égrapper et palisser régulièrement.


- Maintenir une protection fongicide (cuivre) jusqu'à l'aoûtement des bois, sauf sur cépage hybride résistant.

 

 

4- RÉSULTATS ET DISCUSSION


Observations générales (tableaux 1 et 2, Figure 4)

 

 



Figure 4. Pleurs après surgreffage en anglaise herbacée
de Souvignier G sur Merlot/SO4 (P16 à J+0)

Figure 4. Tears after green splice top-grafting
of Souvignier G on Merlot/SO4 (P16 at D+0)


 

- Les moyens humains mis en oeuvre.


A Gignac, c'est le vigneron qui a réalisé entièrement la préparation t le suivi de l'essai, en respectant les consignes données. A Béziers, la parcelle étant proche de mon domicile, j'ai réalisé ces interventions moi-même avec l'assistance du personnel du domaine. D'où les mesures et observations plus nombreuses.

 

- L'incidence de l'état sanitaire des souches.
Le taux de mortalité avant recépage était très faible sur P13.


- Le stade de développement des rejets.
 

Au moment du greffage les rameaux étaient moins développés sur P13 que sur P16.

a) Le nombre de jours séparant le recépage du greffage étaient de 42 sur P13 et de 84 sur P14.


b) Les rameaux à hauteur de greffage présentaient une moelle translucide sur P13 et blanche sur P16.


c) Les mesures effectuées quatre jours avant greffage sur P16 indiquent que 75% des ceps présentaient au moins un rameau de 1,5 à 2 m de longueur pour un diamètre de 8 à 10 mm à hauteur de greffage.

 

 

Rapidité et homogénéité d'entrée en croissance (tableau 3, Figures 5 et 6)

 

Tableau 3. Rapidité de croissance
Table 3. Fast growth

 

Figure 5. Rapidité d'entrée en croissance du greffon de Servant B
greffé sur Muscat de Hambourg/SO4 (P13 à J+21)


Figure 5. Quick sprouting of the scion of Servant B grafted
on Muscat of Hambourg/SO4 (P13 at D+21)

 

 

 

Figure 6. Homogénéité de la croissance des greffes herbacées
de Souvignier G sur Merlot/SO4 (P16 à J+38)


Figure 6. Homogeneity of sprouting of the herbaceous graft
of Souvignier G on Merlot/SO4 (P16 at D+38)

 


- On note une même rapidité et homogénéité d'entrée en croissance sur les deux essais.

 

Trois semaines après greffage les greffes mesurant 3 cm ou plus représentent 86,0% sur P13 et 89,3% sur P16, pour une longueur moyenne respective de 20,6 cm et 20,1 com.


- La croissance journalière moyenne atteint 5,43 cm (entre J+26 et J+30) sur P16.

 

 

Résultats (tableau 4)

 

                     Tableau 4. Taux de réussite suivant la date d'observation
                                Table 4. Success rate by observation date

 

- Le taux de réussite est calculé comme suit : nombre de greffes réalisés / nb de greffes vivantes > 20 cm.


- L'hiver venu, il était de 77,9% sur P13 et de 89,3% sur P16.


- Le taux de réussite moyen sur les deux essais est donc de 83,6%. Il est supérieur aux résultats de surgreffages aériens en chip-building que j'ai réalisé de 1996 à 2016 (77,1%) ainsi qu'aux essais de greffe en fente herbacée réalisés en 2006 (78,4%)/

 

 

Qualité de la soudure (Figures 7, 8 et 9)

 

Figure 7 & 8. Soudure complète, régulière et discrète tout autour
du sarment de Souvignier G greffé sur Merlot (P16)

Figure 7 & 8. Completed, regular and discret weld all around
the vine stick of Souvignier G grafted on Merlot (P16)

 

 

 

 

 

 

 

 Figure 9. Soudure de Servant B greffé sur Muscat de Hg : Faible saillie légèrement oblique surmontée d'un chicot (P13, an n+4)
 

Figure 9. Weld of Servant B grafted on Muscat of Hg :
Weak, slightly slanted overhanging topped with a stump (P13, year n+4)

 

 

 

 

 

- Observations effectuées :

a) Deux à trois semaines après greffage, une excroissance du diamètre apparaît à l'extrémité inférieur du greffon. Ce phénomène disparaît ensuite avec la croissance homogène du diamètre.


b) En hiver, le sarment présente une soudure complète et régulière tout autour du rameau. La cicatrice est discrète (<1mm de largeur) sans excroissance ni bourrelet.


c) Sur bois de 4 ans, la soudure ne forme plus qu'une faible saillie, comparable à un noeud, légèrement oblique. La greffe n'est alors plus identifiable qu'à un petit chicot sur le tronc.

 

- Observations de Harmon et Snyder
Ils observent la corrélation entre la longueur du biseau (1,2 à 3,8 cm) et la longueur de la pousse 3 semaines après greffage (6,9 à 15,2 cm). Donc le lien entre la vitesse d'entrée en croissance et l'angle du biseau.


- Biologie végétale : explications de Deloire (1981).
Dans son étude histologique de la zone de jonction du greffage herbacé (en fente simple) de deux cultivars compatibles du genre Vitis, l'auteur établit les faits suivants :


a) Différents tissus peuvent contribuer à la formation du cal : les rayons interfasciculaires, le parenchyme cortical, le cambium et ses dérivés récents, et les parenchymes associés au xylème et au phloème.


b) L'importance relative de ces différents tissus dans le processus de regénération dépend largement de la nature des entailles pratiquées au moment du greffage.

 

- Conclusion sur les processus anatomiques à l'origine de la soudure complète.
a) De nombreux tissus contribuent à la formation du cal de la soudure.


b) Les entailles pratiquées permettent la mise en coïncidence, sur la zone de contact, des tissus homologues, ce qui réduit les remaniements pariétaux, et permet une soudure complète, régulière et discrète tout autour du rameau.

 

 

Virulence de mildiou (Figure 10, Tableau 4)

 

Figure 10. Symptôme de mildiou sur greffe herbacée de Servant B
sur Muscat de Hg : Tâches brunes couleur de haricots cuits (P13 à J+51)
 

Figure 10. Downy mildew symptom on herbaceous graft of Servant B
on Muscat of Hg : Brown spots of cooled beans colour (P13 at D+51)

 

 

- En août 2013, le vigneron a effectué les arrosages mais aucun traitement fongicide avant début septembre. Une attaque de mildiou (Plamopara viticole) sur rameaux a été observée mi-septembre avec les symptômes caractéristiques de "tâches brunes sur les rameaux (couleur de haricots verts cuit)" (Galet 1999). Le taux de réussite était alors de 83,7%. En novembre, il n'était plus que de 77,9%.


- Sur P16,  le vigneron n'a fait aucun traitement particulier sur les greffes. Celles-ci ont cependant reçu quelques jours seulement après greffage, le dernier traitement (cuivre) réalisé sur l'ensemble de la parcelle. Aucun symptôme de mildiou n'a été observé sur les greffes qui présentaient en décembre des sarments parfaitement aoûtés de 1,63 m de longueur moyenne.


- La protection contre le mildiou est donc un point clef de cette méthode :
a) Les conditions de réalisation sont très favorables au développement du mildiou : Chaleur estivale, arrosages, rapidité de croissance, végétation à proximité du sol.


B) Pour un cépage sensible au mildiou tel que de Servant B, les traitements au cuivre doivent être pratiqués régulièrement jusqu'à l'aoûtement des bois.


c) Le recours à un hybride résistant au mildiou permet d'éviter ces traitements.

 


Domaines d'application
- La technique présente les avantages suivants :

  1. Les greffons sont prélevés le jour même. Il n'est plus besoin d'installation frigorifique.
  2. Le taux de reprise est élevé.
  3. Le suivi requiert peu de travail (croissance rapide).
  4. La technique est facile à apprendre.
  5. Les ceps rentrent en production dès l'année suivante.

 

- La technique présente les inconvénients suivants :

  1. Elle est à réserver aux cépages reperçant facilement des rejets tels que Merlot, Muscat petits grains, Clairette, Gamay...
     
  2. Les cépages à assembler doivent présenter des rameaux de diamètres compatibles.
  3. Les arrosages sont impératifs.
     
  4. Une protection fongicide spécifique doit être pratiquée sur cépage sensible au mildiou.
     
  5. À réserver aux régions à climat doux permettant l'aoûtement complet des bois avant le gel.


- Potentialités :

  1. On peut reprendre en juillet, sur les rejets, les manquants d'un surgreffage en chip-building, lorsque l'on ne dispose pas de greffons aoûtés en chambre froide.
     
  2. Les ceps noueux (gobelet) peuvent être surgreffés sans régénération préalable.
     
  3. Cette technique, combinée à l'utilisation de variétés hybrides résistantes aux maladies cryptogamiques, pourrait faciliter l'évolution rapide de l'encépagement, sans arrachage ni replantation.

 

CONCLUSION

Les expérimentations de surgreffage conduites dans l'Hérault en 2014 et 2016 avec la greffe anglaise herbacée ont révélé un taux de réussite élevé (83,6%), une entrée en croissance rapide et homogène, et une soudure complète. La nouveauté de cette technique impose cependant de poursuivre la période d'essai pour confirmer les résultats et préciser ses domaines d'application.

 


REMERCIEMENTS

Je remercie chaleureusement tous les vignerons qui ont collaboré aux expérimentations.

 


CRÉDIT PHOTOGRAPHIQUE

Ludwine Pugibet (Figure 3). François Chaudière (Autres figures).

 


BIBLIOGRAPHIE
 

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