Chronique 2018.06

 

Clé de sol, clé du terroir !
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Alain CARBONNEAU

 

Depuis les vendanges 2017 je suis avec attention au domaine du Haut-Lirou en AOP Pic Saint Loup un essai de ‘vinification en musique’. La curiosité a pris le pas sur la réticence liée à l’étrangeté de la démarche, car il s’agit ni plus ni moins d’immerger dans la cuve de vinification un diffuseur de musique et de se poser la question suivante : les levures, saccharomyces cerevisiae, y sont-elles sensibles et modifient-elles leur activité métabolique ? D’où vient cette idée ?

 

Sébastien Durand de la société ‘Swing it’ justifie cet essai par une série d’observations préalables en agriculture : il est noté par exemple que la production de lait augmente lorsque les vaches sont dans une ambiance musicale, également que la croissance de certaines plantes en est améliorée, enfin que des premières tentatives sur des vinifications comme en particulier certains rosés s’étaient soldé par des effets positifs. Alors une étape de plus avec le vignoble de cru du Haut-Lirou grâce à la coopération avec Mireille Rambier, en testant les effets possibles de la technique sur une cuvée de Syrah (90%) et Grenache noir (10%).

 

Ce premier essai qui en appelle certainement déjà un autre, a consisté aux dernières vendanges à vinifier, dans deux cuves inox identiques et voisines et avec la même conduite générale, une vendange équitablement partagée entre une cuve témoin soumise à la technique classique du chai et une cuve différant seulement du témoin par le fait qu’elle contenait en son milieu un diffuseur de musique pendant la vinification, quasiment en continu, avec le choix a priori d’airs mélodieux de Lisa Simone. L’heure de la dégustation des vins finis a sonné le 24 mai dernier au matin au Haut-Lirou en présence d’un panel d’œnologues comme Thierry Boyer ou Jean Natoli, de journalistes et de techniciens.

 

Je peux témoigner que les deux vins présentés avaient à la fois des caractères communs typiques des vins du Pic Saint Loup, et des différences suffisamment marquées pour que de façon unanime le groupe de dégustateurs conclue à une distinction assez évidente. Personnellement je ne m’attendais pas à trouver un écart aussi net sur l’ensemble des critères de l’analyse sensorielle : couleur, olfaction, goût.
 

La préférence allait au vin ‘traité musique’ en raison d’une couleur plus intense, d’une palette aromatique plus ample (accentuation des notes de fruit mûr, d’épices, de réglisse, balsamiques et aussi minérales), d’une structure tannique plus importante en conservant l’harmonie générale. De façon synthétique l’impression est que le vin ‘traité musique’ exprime mieux les éléments de typicité caractéristiques du terroir.

 

Mireille Rambier a déjà franchi le pas de la commercialisation de cette cuvée sous le nom de ‘Melody’, double clin d’œil à la musique et à l’international. La communication est donc en marche. Pour ma part, tout en ayant été plus que convaincu par ce premier duo, je reste demandeur d’un protocole expérimental plus étoffé et rigoureux pour ces prochaines vendanges, d’autant que l’explication d’une telle différence est plus que difficile : faut-il envisager des rencontres moléculaires ‘entrechoquées’, des enzymes ‘frétillantes’ ou des gènes ‘réveillés’ ? Les chercheurs ont aussi toujours la crainte d’un biais non contrôlé malgré les précautions prises surtout lorsque l’on aborde des domaines plus qu’incertains. Alors j’ai suggéré à l’équipe Rambier d’installer en 2018 le dispositif suivant dans leur chai de vinification :

  • 3 cuves : cuve témoin, cuve identique avec musique, cuve identique avec simple vibrateur (ceci permettant de distinguer l’effet éventuel de la mélodie musicale d’un effet
    plus simple de vibration) ;
  • 2 blocs en deux endroits différents du chai et en tirant au sort l’emplacement relatif des cuves.

 

Si effectivement des effets sont à nouveau constatés, il sera possible d’avancer l’idée d’un effet significatif de l’ambiance ‘ondulatoire’ sur l’activité des levures et le niveau qualitatif du vin. Rendez-vous donc, espérons-le, dans quelques mois…

 

Alors la clé de sol est-elle une des clés du terroir ?

 

    

Le Chai de vinification du Haut-Lirou théâtre de la vinification en musique

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