Chronique 2018.02

 

Les expertises des filières vitivinicoles.
Quelle place pour le "Bio" ?
Le GiESCO propose le "Bio Métaéthique"...
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Alain CARBONNEAU

 


Les filières ont besoin de savoir vers quoi elles doivent s’orienter dans les années à venir. Les études de prospective les aident à bâtir des scénarios du futur possibles compte tenu de ce que l’on sait aujourd’hui des acteurs (intra et extra) de ces filières et de leurs impacts. Hervé Hannin (IHEV) et Patrick Aigrain (France AgriMer) ont développé la spécialité des études de prospective des filières viticoles et livré plusieurs résultats. A titre d’exemple, voici dans le tableau ci-dessous un résumé de leurs conclusions concernant les scénarios qui attendent possiblement la filière vitivinicole du sud de la France.

 

 

 

 

 

Il est clair dans ce cas que les professionnels du sud de la France, Languedoc en particulier, ont choisi le scénario n°1 de la ‘Filière plurielle’ qui est globalement le plus optimiste, à la réserve près que les principaux acteurs sachent s’organiser en conséquence. Au-delà de la connaissance des diverses possibilités du futur, un tel résultat encourage la motivation pour tout faire afin que le scénario choisi ait les meilleures chances de se réaliser !

 

Ma propre réflexion dans cette chronique est d’apporter quelques idées allant dans le sens à la fois de la diversité ou pluralité et de la cohésion ou organisation.

 

Je note l’existence de deux contraintes majeures, en plus des préoccupations technico-économiques habituelles, auxquelles la plupart des filières viticoles doivent s’adapter impérativement :

 

  • Le changement climatique : il impose en zone méditerranéenne une maîtrise de l’eau (économie, récupération, capture, irrigation contrôlée), sécheresse et chaleur estivales étant devenues les facteurs limitants de la production et de la qualité ; il ouvre aussi des possibilités de réduction des interventions phytosanitaires contre les parasites majeurs, rendant ainsi généralisables des viticultures durables.


  • Le changement sociétal : les citoyens sont sensibilisés à la qualité de leur environnement et de leur alimentation ; certes le prix reste un critère dominant du choix pour la plupart des consommateurs, mais concernant les vins, la notion de plaisir l’emporte sur celle de nécessité, ce qui renforce la prise en compte du respect de l’environnement et de la qualité. Ceci explique l’engouement pour le ‘Bio’, et à la limite on peut poser la question pour le futur : comment ne pas être Bio ?

 

La pression exercée conjointement par ces deux contraintes majeures oblige la filière du sud de la France (d’autres aussi d’ailleurs !) à développer des stratégies communes donc théoriquement à renforcer sa cohésion et son organisation, tout en préservant cette diversité qui fait sa richesse. Cependant, il ne faudrait pas que des évènements nouveaux viennent rompre une telle dynamique. Il y a toujours le risque impondérable d’une crise économique qui mettrait en faillite certaines entreprises et développerait l’attitude du ‘chacun pour soi’ entre les diverses organisations professionnelles et les divers producteurs. Mais il y a des risques prévisibles liés à des dysfonctionnements actuels que l’on peut (doit) surmonter. Il convient d’abord d’assurer le succès d’une politique de l’eau, en particulier en changeant les mentalités au sujet de l’irrigation. Il convient aussi de conférer au Bio un contenu irréprochable (suite à une évaluation du cahier des charges et des produits qui doit s’appliquer à tout type de production) afin qu’il corresponde réellement aux attentes des consommateurs et des citoyens…

 

Notre groupe, le GiESCO, est particulièrement sensibilisé à une telle démarche, ce qui l’a amené à proposer les bases d’une charte de Viticulture « Bio métaéthique ».

 

Le point de départ a été initié par la critique de l’usage du cuivre. L’état d’esprit est de défendre les agricultures ‘Bio’ tout en soulignant la dangerosité des produits cupriques. Ils sont utilisés souvent abondamment dans la protection contre le mildiou et sont toxiques pour tout être vivant : de la faune microbienne des sols à l’homme où le risque de formation des plaques d’athérome est augmenté du fait de l’inclusion du cuivre dans leur constitution. En outre ils s’accumulent dans les sols car non dégradables et leur usage nécessite davantage d’interventions augmentant ainsi le bilan carbone et la compaction des sols. Leur dangerosité est naturellement fonction de leur teneur dans les produits, mais il est clair qu’il faut recourir à d’autres formules en ne les tolérant qu’au strict minimum (ex : une seule application par an).

 

Il ne suffit donc pas de déclarer dans un cahier des charges que l’on s’appuie sur le naturel et que l’on protège l’homme et l’environnement, il faut évaluer le résultat réel sur ces critères. Et ceci relève d’une démarche d’éthique, et même de méta-éthique dans la mesure où elle recueille l’assentiment général !

 

Le GiESCO a donc énoncé les principes de base suivants au 20ème GiESCO de Mendoza qui relèvent d’une démarche de méta-éthique (éthique consensuelle) :

 

1) Mettre l’Homme au cœur des préoccupations dans un cadre universel (Put Man in the depth of all concerns in an universal context):

  • producteur, consommateur, citoyen  (grower, consumer, citizen)
  • valorisation du travail, formation, sécurité (work valuing, education, security)

 

2) Assurer le minimum d’impact sur l’environnement en optimisant la culture  (minimum impact on environment by optimizing cultivation technics) :

  • maximum de produits naturels biodégradables, pratiques respectueuses  (maximum of natural biodegradale products, friendly practices)
  • circuits courts, énergies renouvelables, durabilité du terroir (short channels, renewable energies, terroir sustainability)

 

3) Garantir la transparence et l’évaluation sur l’ensemble des opérations (Warrant transparency and evaluation of all operations):

  • traçabilité de la chaîne de production (traceability of the production line)
  • analyses complètes des produits (complete analyses of the products)

 

Les éléments de cette charte sont publiés dans les comptes rendus du GiESCO n°19 (Pech Rouge – Montpellier) et n°20 (Mendoza). Nous espérons contribuer par cette proposition de BIO métaéthique  à donner à la filière le maximum de chances de rester plurielle et durable...

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