L’assemblage des vins est une pratique largement répandue mais qui se conçoit de manière différente :
Ceci étant, d’autres vins s’affichent ‘de cépage pur’ et connaissent grand succès international. Toutefois la plupart d’entre eux résultent d’un mélange de parcelles souvent très diverses dont le dénominateur commun est le climat régional. C’est ce que l’on peut qualifier d’assemblage ‘non-dit’. C’est le cas des Indications Géographiques Protégées – Mono-cépage à base des variétés connues au plan international comme pour les vins de Pays d’Oc : Chardonnay, Sauvignon, Merlot, Cabernet-Sauvignon, Syrah. Mais en outre, la règle des 85% permet en fait un assemblage avec un autre cépage complémentaire à hauteur de 15%, chose couramment utilisée par exemple ‘Syrah’ avec 15% de Grenache noir et/ou de Carignan. Cette règle va sans doute aussi s’avérer fort utile pour introduire de nouvelles variétés, résistantes ou non, qui pourront se développer à hauteur de ces 15% et ainsi se faire apprécier et connaître avant d’être reconnues et demandées.
Il faut rappeler enfin qu’il existe de nombreux exemples relevant d’un assemblage ‘non-souhaité’. Ceci concerne les vins dont la typicité est centrée sur quelques éléments dominants identifiables et pour lesquels l’option du cépage pur et même du terroir unique est retenue. Ce cas se trouve majoritairement dans les vins blancs (exemples des vins d’Alsace de Riesling ou Gewurztraminer, ou du Viognier de château Grillet) ou rosés (exemples du Rosé de Tavel à base de Grenache noir, ou de divers Rosés de Cinsaut), mais aussi dans des vins rouges de primeur comme le Beaujolais avec le Gamay.
Pour revenir aux assemblages, il est intéressant de citer un exemple original. Mais avant, précaution oblige, rappelons que le choix d’un assemblage n’est pas le fruit d’une démarche scientifique ; il y a certes un peu de technique, comme l’essai de diverses proportions graduelles afin d’en déterminer l’optimale, mais fondamentalement il s’agit d’une démarche plutôt artistique comme le choix d’un mélange de couleurs en peinture ou celui d’un mélange de saveurs en cuisine. Cet exemple est celui d’un complément à trouver à un vin Pinot noir.
Sacrilège, dirait-on en Bourgogne, où ce grand cépage géniteur de bien d’autres aussi grands, se suffit à lui-même et où le terroir exprime la palette de son potentiel. Oui mais voilà : tous les vignobles capables de cultiver le Pinot noir n’ont pas le climat des grands millésimes bourguignons ni l’emplacement privilégié des cœurs de côte de Nuits ou de Beaune (série des figures 1)… et pourtant leur vin de Pinot noir a bien des qualités : une belle harmonie, un fruité saisissant autour de la griotte, une longueur certaine ! Il leur manque un peu de fraîcheur et de complexité. Alors, oui, dans ce cas, tout en cherchant à obtenir l’essentiel de la typicité du Pinot noir, il n’est pas absurde de songer à un assemblage. C’est le cas de vignobles plus chauds que ceux de Bourgogne (mais avec le changement climatique ces derniers ne pourraient-ils pas d’ailleurs réfléchir à un petit complément d’assemblage avec un autre cépage ?).
Figure 1a. Côte Bourguignonne près de Vosne Romanée. Pinot noir âgé à haute densité
Figure 1b. Pinot noir conduit en Espalier bas étroit avec effeuillage en Bourgogne
Figure 1c. Grappe caractéristique de Pinot noir
L’idée m’est personnellement venue en liaison avec un vigneron du Haut Languedoc (figure 2) de tenter diverses combinaisons parmi lesquelles la plus révélatrice fut celle du Petit Verdot (série des figures 3).
Figure 2. Vignoble en Lyre planté en Pinot noir et Petit
Verdot (ici sur la photo) à 350m d'altitude en Haut
Languedoc
Figure 3a. Petit Verdot en Médoc
Figure 3b. Feuille et grappe caractéristiques du Petit Verdot
En effet ce Petit Verdot qui se marie si bien avec Merlot et Cabernet-Sauvignon, mais aussi avec la Syrah, apporta la fraîcheur, la tenue en bouche qui manquait un peu au Pinot noir, avec ce supplément aromatique de la fleur et du petit fruit. Au total, l’assemblage ‘Pinot noir – Petit Verdot’ était incontestablement plus élégant, complexe et agréable que les vins des cépages purs : bref, en termes de généticien, une ‘hétérosis’ sensorielle inattendue qui fit dire à certains qu’il valait beaucoup de bourgognes !
Seuls mes proches ont pu à ce jour approuver un tel choix. Et puis un beau jour de décembre 2016 au cours d’une mission en Uruguay où je compte de nombreux amis, j’ai découvert que je n’étais pas seul au monde (question ‘assemblage’ naturellement) et qu’un grand domaine appartenant à la famille Pisano, cultivait Pinot noir et Petit Verdot, ce qui ne me surprit point), mais, oh surprise, proposait une bouteille d’assemblage Pinot noir – Petit Verdot (série des figures 4) : sa dégustation nous conforta dans l’intérêt de ce choix ! Cette conjonction me conforta dans l’idée de rédiger cette chronique à l’attention de toutes celles et de tous ceux qui aiment qualité et innovation.
Figure 4a. Petit Verdot conduit en Lyre au Domaine Don Delmiro en Uruguay
Figure 4b. Vignoble Pisano en Uruguay (ici le Torrontes)
Figure 4c. Bouteille de l'assemblage "Pinot noir - Petit
Verdot" de Pisano (Uruguay)
Le lecteur attentif doit certainement se poser la question des proportions. Ce point est certainement à adapter aux divers terroirs concernés et aux millésimes, mais la proportion de Petit Verdot semble se situer dans une fourchette élevée de 20 à 40%.
Un dernier point : y-a-t-il une conduite spéciale à réserver au Pinot noir comme au Petit Verdot dans de telles situations ? Il se trouve qu’en Haut Languedoc comme en Uruguay, c’est la Lyre qui est utilisée : est-ce un signe ?...