Newsletters

< retour à la liste
26.06.2012

Métaéthique : ésotérisme inutile ou véritable enjeu ?


Métaéthique : ésotérisme inutile ou véritable enjeu ?

par Alain CARBONNEAU

 

Dans le cadre des rencontres du GiESCO (Groupe international d’Experts en Systèmes vitivinicoles pour la CoOpération), notre ami Giovanni Cargnello du campus de Conegliano – Veneto, a régulièrement depuis plusieurs années attiré l’attention du groupe sur le nouvel intérêt qu’offre la ‘métaéthique’, ceci en prolongement de l’analyse du fonctionnement des vignobles, des entreprises et des territoires au sein desquels, finalement, c’est l’homme lui-même qui est l’enjeu central ; l’homme avec certes ses connaissances, ses choix technico-économiques, mais aussi avec ses aspirations sociales, environnementales, existentielles. La première réaction de la plupart des collègues est de considérer qu’il s’agit là d’une démarche philosophique, voire ésotérique, qui dépasse le champ scientifique ainsi que les attributions du groupe qui, par ailleurs, a fort à faire à résoudre quelques problèmes réels des filières vitivinicoles à l’échelle mondiale. Toutefois, la réflexion se décantant, la question suivante me paraît finalement digne d’être posée : et si la ‘métaéthique’ était un véritable enjeu ?
Une tentative de définition s’impose tout d’abord. L’éthique représente classiquement un ensemble de règles sociales qu’une communauté se donne, avec le maximum de consensus possible, pour garantir son équilibre et son existence. Un exemple majeur est celui qui régit la liberté individuelle qui est promue jusqu’à la limite d’empiéter sur celle d’autrui. Un autre est celui de la ‘bioéthique’ au niveau du contrôle des manipulations de la génétique et de l’embryogénèse humaine. Alors la ‘métaéthique’ dans tout cela ? Quel sens apporte le préfixe ‘méta’ ? Par comparaison, la métaphysique est ce qui vient après, au-delà de la physique. En grec ancien, ‘méta’ signifie effectivement cet ‘après’ ou cet ‘au-delà’, mais également avec une connotation d’une certaine continuité, d’un prolongement ou d’une évolution. La ‘métaéthique’ est donc ce qui vient après l’éthique, au-dessus d’elle, comme un aboutissement.
NB : Un complément d’information est fourni en annexe qui présente le Colloque international d’Ethique et de Métaéthique des professions de l’information et de la communication, qui s’est tenu à Béziers en novembre 2010 à l’instigation de l’Université de Montpellier 3.
Ici surgit un paradoxe : l’éthique, en effet, se voudrait être un dernier recours afin, notamment, de résoudre des conflits sociaux dans l’impartialité et sans plaidoirie. Comment alors justifier le besoin de chercher ‘plus haut’ avec la ‘métaéthique’ ? La réponse tient certainement dans l’observation que les éthiques ne sont pas partagées à l’échelle mondiale. Chaque pays, chaque culture, chaque groupe de pensée ou de croyance, peut ériger sa propre éthique ; mais avec la mondialisation qui touche la pensée elle-même, ces choix se trouvent souvent en conflit. Prenons l’exemple des échanges commerciaux : les pays industrialisés se considèrent comme concurrencés déloyalement par des produits élaborés par des travailleurs mal rémunérés et mal protégés des risques qu’ils encourent, et en appellent à des règles de protectionnisme élaborées au nom d’une éthique sociale et du respect des travailleurs; de leur côté, les pays émergents ou en développement considèrent que leur propre développement économique est la condition même de la réduction de la pauvreté chez eux, et font de ce développement agressif la base de leur propre éthique au nom de l’intérêt de leurs propres travailleurs et de la lutte tout à fait justifiée contre la pauvreté. Comment trouver une éthique partagée ou une ‘métaéthique’ dans de tels conflits mondiaux ?
Dans ce cas, une règle de ‘métaéthique’ serait le principe de réciprocité. Les pays les plus avancés seraient en droit de contrôler dans une certaine mesure l’importation de produits élaborés dans un contexte différent du leur, afin de préserver leur propre outil industriel et éviter un chômage ‘automatique’, mais auraient en contre-partie le devoir d’aider le développement des secteurs socialement déficients des pays concurrents. Ces derniers accepteraient chez eux une évolution sociale avec l’appui des pays les plus avancés, et limiteraient leur agressivité concurrentielle puisque le niveau de pauvreté pourrait reculer chez eux grâce à d’autres moyens.
Et la Viticulture dans tout cela ? Les exemples suivants sont de nature à montrer que nos filières ont désormais avantage à réfléchir à de telles questions. Tout d’abord parce que les échanges commerciaux de vins sont soumis aux règles économiques générales, et que dans ce contexte, le principe précédent de réciprocité peut trouver application au nom de la recherche d’une démarche ‘métaéthique’. Mais il y a des démarches plus spécifiques que nous pouvons analyser en Viticulture comme en Œnologie.
1) Les concepts du ‘Bio’ :
Actuellement, plusieurs tendances s’affrontent au nom du respect de l’environnement, du vigneron et du consommateur, qui sans nul doute relève d’une éthique largement admise. Concernant la protection du vignoble contre les parasites et les ravageurs, des listes de produits autorisés ou interdits circulent sans véritable concertation ni cohérence. Un exemple phare est celui de l’emploi de produits cupriques. Les tenants du cahier des charges français de la viticulture biologique et maintenant des vins biologiques, acceptent le cuivre en tant qu’élément naturel, alors que d’autres choix en matière de vitiviniculture durable en limitent l’usage car ils le considèrent comme nocif pour l’environnement et pour l’homme. Y-a-t-il moyen de concilier ces deux tendances et de faire admettre un principe commun ? Que pourrait apporter ici la ‘métaéthique’ ?
Un dénominateur commun à tous ceux qui soutiennent la valeur ou l’éthique globale du respect dans la durée de l’environnement et de l’homme, en pensant au devenir des territoires et aux générations futures, serait de s’accorder sur une première liste consensuelle de produits. Nul doute qu’elle pourrait être large, en excluant évidemment ceux à base de cuivre (sauf par exemple pour un usage unique annuel au titre de leur polyvalence, notamment de leur effet antibactérien), et capable de résoudre la plupart des problèmes de protection du vignoble. En complément, il y aurait une liste d’attente de produits qui seraient retenus d’abord pour leur efficacité et aussi pour leur risque limité, du moins dans une période donnée. Cette liste serait dynamique en ce sens où dès qu’un meilleur produit apparaitrait, il remplacerait automatiquement celui de la liste. Un exemple est fourni par des produits anti-mildiou, au sein desquels le phoséthyl-Al éliciteur de synthèse des défenses naturelles dont l’efficacité anti-mildiou, avec souvent l’apport de Folpel, est reconnue ; leur usage peut d’ailleurs dans de nombreuses régions viticoles peut être arrêté après la nouaison.
Les principes sous-jacents à ces démarches sont le classique principe de précaution, car le choix de la plupart de ces produits se fait au nom d’un risque potentiel et non d’un risque avéré, et aussi d’un nouveau principe qui serait le principe de transition permettant aux sciences et techniques de produire sans blocage outrancier les solutions attendues.
2) Les concepts ‘des hybrides’ :
Sur le sujet a priori très technique de l’hybridation et de la sélection variétale, de nouveaux cépages notamment, il se greffe un problème à la fois de sémantique et de conception de la nature du matériel végétal. Classiquement, le monde vitivinicole distingue les cépages traditionnels issus d’un long processus de sélection et pourvus d’un large éventail de clones, et les hybrides issus de croisements contrôlés, en distinguant en leur sein, les hybrides interspécifiques (descendant de Vitis américaines et de Vitis vinifera en particulier) et les hybrides intraspécifiques entre Vitis vinifera appelés aussi ‘métis’. En fait, la génétique a montré depuis une bonne décennie que la plupart des cépages traditionnels sont issus de croisements dont on connaît désormais les parents ; en d’autres termes ce sont des hybrides, intraspécifiques certes.
Attardons-nous un moment sur l’usage du terme ‘métis’. Le métissage est un ‘croisement entre deux sujets de races différentes’. L’usage du mot ‘métis’ pour un cépage comme le Marselan, suppose donc que le Cabernet-Sauvignon et le Grenache noir soient de ‘races’ différentes. Ceci renvoie immédiatement au concept de ‘race’ qui constitue un ‘groupe naturel d’individus présentant un ensemble de caractères physiques communs’. Observons d’abord que les termes de ‘race’ et de ‘métis’ sont habituellement réservés au monde animal ou humain, et souvent utilisés sans grande précision. Rappelons ensuite la systématique du monde vivant dont fait partie la classification botanique classique, où la hiérarchie suivante est utilisée par ordre de dichotomie croissant : ‘règnes du vivant’ (ex : cellulaire – eucaryote – pluricellulaire – végétal) > ‘embranchements du végétal’ (ex : chlorophyllien – plante à feuilles – vasculaire – à graine – angiosperme) > ‘classe’ (ex : dicotylédone) > ‘ordre’ (ex : rhamnacée) > ‘famille’ (ex : vitacée) > genre (ex : Vitis) > ‘espèce’ (ex : Vitis vinifera) > ‘variété’ ou ‘cultivar’ ou ‘cépage’ (ex : Cabernet-Sauvignon) > ‘clone’ (ex : clone 15 de Cabernet-Sauvignon). Où se situe la notion de race dans cette classification ? Au niveau du genre ? De l’espèce ? De la variété ? Il conviendrait donc pour l’ensemble des variétés, y compris les ‘nouvelles variétés’, d’introduire de façon précise une subdivision, soit à l’échelle de groupes phénotypiques ou écologiques, soit à celle de la parenté des individus, sachant que les variétés sont toutes interfécondes et adaptées à des types d’environnement similaires.
Où peut intervenir la métaéthique dans ce raisonnement ? Simplement en établissant une classification universelle scientifique claire et objective concernant l’ensemble des cépages, tout en y réhabilitant les hybrides dignes d’intérêt et en préparant la place pour des génotypes issus de transformation génétique. Il convient en particulier de ne donner prise, ni à une éthique d’opposition de principe entre ‘cépage traditionnel’ et ‘nouvelle variété’, ou entre ‘cépage traditionnel’ et ‘hybride’, en se référant simplement à une traçabilité des parents, ni à un parti pris contre les organismes génétiquement modifiés. Il convient, à l’opposé, de ne pas abonder une éthique du progrès scientifique libre de toute contrainte, en considérant par exemple que des génotypes transformés sont dans la même catégorie que ceux issus de croisements naturels. Une métaéthique d’équilibre s’impose donc.
Ainsi par exemple, il serait possible dans un premier temps, lorsque nécessaire, d’indiquer Cabernet-Sauvignon (Cabernet franc x Sauvignon, origine ancienne), Marselan (Cabernet-Sauvignon x Grenache noir, obtenteur INRA Montpellier-F), Cabernet cortis (Cabernet-Sauvignin x Solaris, Solaris = hybride V. vinifera, amurensis, rupestris, aestivalis, obtenteur Institut de Fribourg-D), Cabernet-Sauvignon / tr Run1 (Cabernet-Sauvignon génétiquement transformé pour le gène Run1, obtenteur X).
Peut-on établir des groupes de cépages ? Sur le plan génétique, il serait possible de regrouper par filiation (ex : les descendants du Cabernet franc, du Pinot noir ou du Gouais). Sur le plan phénotypique, les caractères ampélographiques permettent des regroupements notamment en fonction de la morphologie des feuilles ou des grappes (ex : groupe de cépages à feuilles orbiculaires entières, à petites grappes, à baies blanches ou noires, qui rassemble entre autres, Pinot noir, Chardonnay, Aligoté, Melon). Sur le plan écologique ou géographique, il est possible d’inventorier les divers cépages régionaux et de procéder à une organisation par territoire ou type de macroclimat (ex : cépages du nord-est de la France ou du climat semi-l’information géographique et les racines historiques (ex : un cépage connu pour être le plus anciennement cultivé dans une région n’est pas obligatoirement originaire de cette région ; le Chardonnay est-il originaire de Bourgogne ?). Mais la question est sans doute d’établir des liens entre les trois groupes précédents. C’est certainement à ce niveau que l’on peut établir les regroupements les plus intéressants. Par exemple, si le Pinot noir paraît être un bon représentant du groupe des cépages du nord-est de la France ou du climat semi-continental, le Chardonnay qui est un de ses descendants avec le Gouais comme autre parent, sans doute issu du bassin du Danube, peut-il être considéré comme faisant partie du même groupe qui a été affiché comme celui des ‘noiriens’ ?
Ici donc, la métaéthique aurait pour rôle majeur d’obliger au rapprochement des disciplines scientifiques (génétique, écophysiologie, ampélographie, écologie, géographie, histoire), au nom suprême du principe d’interdisciplinarité et d’une objectivité générale, en gommant les frontières des approches sectorielles et, dans l’exemple précis qui nous concerne, en aboutissant à une dénomination claire et à une juste organisation des variétés de vigne qui sera de toutes façons complexe.
3) Les concepts ‘des territoires’ :
Une telle utilité de mettre en relation différentes approches se retrouve également dans les sciences biologiques et de l’environnement. En Viticulture, à l’échelle mondiale, force est de constater que deux conceptions de la gestion des territoires s’opposent : l’une est purement technico-économique et environnementale, l’autre y inclut en plus les dimensions culturelles, historiques, paysagères, qui se retrouvent autour du concept de terroir. Ce dernier aspect a été maintes fois présenté, mais le point sans doute nouveau est qu’il contient de fait une dimension d’éthique dans la mesure où, au travers du terroir, on défend une identité, une originalité, avec l’homme au centre aussi bien sur le plan des choix techniques et managériaux, que sur le plan de la qualité de sa propre existence. Que peut apporter la métaéthique dans cette opposition entre une gestion des territoires qui n’inclut pas la dimension de l’éthique, et une gestion des terroirs qui s’inscrit finalement dans un cadre autant philosophique que managérial ?
C’est probablement d’abord la communication pour une prise de conscience qu’au-delà du produit lui-même, en l’occurrence les vins de terroir, c’est l’expérience humaine qui le sous-tend, et que cet aspect répond à d’autres lois que celles de la gestion ou du marché. C’est aussi ensuite la recherche de l’objectivité qui doit montrer la réalité du lien entre la typicité du vin et son terroir de production, ce qui dépasse les seules notions d’origine, de qualité, de traçabilité.
Nous retrouvons ici aussi, dans cette nécessité de justifier l’expression du terroir, l’intérêt de promouvoir l’interdisciplinarité entre : climatologie, science du sol, écophysiologie, agronomie, techniques de conduite de la plante et d’entretien du sol, œnologie et analyse sensorielle des vins, socio-économie. Un effort particulier, qui relève à la fois de la technique et du souci de communication, est la caractérisation de la typicité des vins de terroir, sachant qu’il s’agit d’élaborer des combinaisons d’éléments de typicité spécifiques à certains terroirs.
Il se pose ici un autre problème qui est celui de l’échelle : en effet, l’espace du terroir est à méso-échelle, celle d’un lieu relativement petit ; parfois l’hétérogénéité des parcelles est telle qu’à l’opposé, le terroir est inclus dans une région plus grande qui, du fait de son macroclimat, imprime au terroir de base des caractéristiques majeures pouvant avoir des traductions au niveau des vins ; pour cela, il convient d’assurer une hiérarchisation des effets en fonction du niveau d’échelle et ne pas considérer le terroir comme isolé de son contexte, macroclimat ou territoire. Un autre problème est la prise en compte de la dimension du temps, et la nécessité de définir une typicité moyenne assortie d’une variation liée aux millésimes.
En tout cas, ce corpus d’études autour du terroir et de la typicité gagnerait à s’élever au-dessus des seuls aspects scientifiques et techniques pour atteindre une dimension éthique objectivement partagée, donc métaéthique, afin de garantir la nature culturelle de la production et de la consommation de vins qui, tous, expriment, certes plus ou moins nettement, la marque de la nature et de l’homme. Seule la métaéthique peut finalement ouvrir vers le fait que les vins élaborés avec le savoir-faire, voire la passion, de l’homme sont quelque part l’image de sa propre expression.
4) Quelques concepts en ‘Œnologie’ :
N’étant pas spécialiste de ce domaine, je ne peux que suggérer quelques pistes de réflexion.
La première d’entre elles me paraît être la préférence pour les traitements physiques des vins face aux solutions chimiques qui entrainent l’apport d’additifs extérieurs comme des sels ou des résines, ces derniers pouvant finalement être considérés comme des ‘polluants’. Il paraît admissible qu’un traitement physique bien contrôlé, comme l’électrodialyse ou l’osmose inverse, est de nature à garantir l’intégrité de la complexité naturelle du vin au-delà de l’effet spécifique recherché comme par exemple la correction du pH à la baisse ou la stabilisation tartrique. Un principe pourrait être érigé dans ce sens. Toutefois, le volet œnologique du cahier des charges des vins ‘biologiques’ a pris le contrepoint en interdisant les méthodes physiques. C’est cette position, assez incompréhensible, comme du reste le maintien du ‘tout cuivre’ dans les traitements anti-mildiou, qui porte le débat à un niveau supérieur. Puisqu’il n’y a pas de compréhension possible sur les plans scientifiques et techniques, n’est-il pas utile de mettre en avant des principes au nom de l’éthique, ou de la métaéthique en essayant de rassembler un consensus : ne peut-on admettre dans le respect du principe de protection du consommateur, qu’un traitement physique des vins maîtrisé est par nature préférable à un traitement chimique, ce dernier n’étant utilisable que par défaut ?
La seconde réflexion concerne la microbiologie des vins, considérant que la levure Saccharomyces cerevisiae est de fait le premier œnologue. Le vin est un produit transformé à partir du raisin, et la complexité de sa composition est à la base celle du raisin, mais résulte de son interaction avec le métabolisme des levures et des bactéries. Sur ces bases, il est clair que la souche de levure en particulier doit être prise en compte dans l’expression de la typicité du vin et même, au travers d’elle, dans l’expression du terroir. Se pose alors la double question : existe-t-il des ‘levures de terroir’, et si oui, peut-on dans une large mesure reproduire un vin de terroir à partir de raisins standard mais avec les levures ad hoc ?
Les réponses techniques à ces questions semblent montrer la difficulté d’isoler des souches de levure endémiques à un terroir donné face à la grande diversité des ‘flores des diverses caves’ et aussi à l’usage de souches exogènes qui interagissent dans ces populations. Par ailleurs, les souches elles-mêmes peuvent modifier certains éléments des vins, certains arômes notamment, mais à ce jour l’essentiel de la typicité du vin ne leur est pas imputable. Est-ce pour autant un faux problème ? Rien n’est moins sûr si l’on regarde l’évolution des biotechnologies. En effet, des transformations génétiques sur des levures ou des bactéries, mécanismes finalement naturels chez ces espèces, peuvent aboutir à faire exprimer de nombreux gènes d’éléments de typicité. Alors que faudrait-il faire dans ce cas-là ? Admettre que le vin, y compris le vin de terroir, n’est finalement qu’un produit technologique comme le yaourt ? Ou bien remonter à la source qu’est le raisin produit dans le terroir considéré en donnant à celui-ci la primauté de la typicité ? Dans cette hypothèse, le débat risque d’être difficile à trancher uniquement sur des arguments scientifiques et techniques ! Ne serait-il pas alors opportun d’avancer une nouvelle fois le principe métaéthique que le vin est d’abord un produit culturel enraciné dans l’ensemble de la nature et conçu par l’intelligence et le cœur de l’homme ?
5) Quelques concepts en ‘Communication’ :
Il y aurait dans ce secteur foule d’exemples pouvant interpeller la métaéthique. Je n’en prendrai qu’un d’actualité. Il a été exigé pour tout vin l’affichage des substances allergènes qu’il peut contenir, ceci comme mesure de santé publique, du moins en principe. Quoi de plus normal, en effet de nos jours, que de communiquer les doses de SO2, l’usage de protéines animales dans le traitement des vins, les teneurs en ochratoxines ? La question que tout un chacun peut se poser est : exige-t-on la même discipline pour les autres produits, et respectivement : les doses de SO2 dans toutes les conserves alimentaires de produits végétaux ou animaux, les mises en garde de risques allergènes pour les œufs ou les viandes, les teneurs en ochratoxines pour des produits qui en sont abondamment pourvus comme les graines ou les céréales grillées ? De toute évidence la réponse est ‘non’ !
La filière vitivinicole serait en droit d’exiger la réciprocité de la part d’autres filières. Mais il est plus que probable qu’avec l’appui de certains médecins, la réponse soit : « Nous produisons de toutes façons des aliments indispensables à la vie qui sont en amont de la chaîne des risques, et ce sont aux produits non indispensables comme le vin, de faire l’effort le plus grand en matière de réduction des teneurs en ces éléments et à le communiquer clairement. » Un tel discours est inacceptable dans la mesure où il y a – heureusement – des consommateurs de vin, boisson tout à fait autorisée, la seule restriction concernant la modération de sa consommation. Le calcul des risques et les règles d’affichage doivent donc être les mêmes pour tous.
Face à cette probable opposition qui du reste peut mettre en avant jusqu’à une ‘éthique du devoir de nourriture’, il conviendrait certainement d’élaborer en toute concertation une métaéthique d’un principe d’équité entre les filières.
En guise de conclusion :
Finalement notre réflexion nous conduit à considérer la métaéthique, non comme un ésotérisme inutile, mais bien comme un véritable enjeu pour de grands sujets. De telles idées seront débattues au sein du GiESCO et de son Académie de la Vigne et du Vin. Il faudra aussi porter le débat au niveau d’autres associations comme ICEO (Institut de Coopération avec l’Europe Orientale) et de l’OIV (Organisation Internationale de la Vigne et du Vin).

 

Annexe

(Colloque international d’Ethique et de Métaéthique – Béziers, 25-26 novembre 2010)

 

Dans le champ des sciences de l’information et de la communication, les enjeux éthiques soulèvent des interrogations en lien avec les pratiques (communications interpersonnelles, sociales, culturelles, scientifiques, artistiques, religieuses, etc.), mais aussi avec la « morale effective » en vigueur dans nos sociétés (jugements moraux, normes, valeurs…), ainsi qu’avec les « théorisations » de l’éthique elles-mêmes…
De nombreuses études montrent la perte globale de crédibilité des pratiques liées à « l’information » et « la communication » dans des domaines variés – notamment dans les sphères, le plus souvent étroitement reliées à ce jour, de l’économique et du commercial, du médiatique, du politique –, et leur assimilation, parfois pure et simple – au moins par la doxa –, à des activités de type manipulatoire. Car, professionnellement parlant, comment peut-on informer et communiquer d’une façon intègre, honnête, respectable, alors que toute communication – intentionnelle en tout cas – ne peut pas éviter de se fixer des objectifs en rapport étroit avec l’influence et la persuasion de « cibles » ; et que le fait de chercher à influencer et à persuader ces dernières semble, de facto, entretenir des rapports ambigus avec leur « manipulation » potentielle ?
Le colloque international Ethique et métaéthique dans les professions de l'information et de la communication, organisé par le Centre d'Étude et de Recherche sur l'Information et la Communication (CERIC, Université de Montpellier 3, France) avec l’appui du Laboratoire d’Etudes et de Recherches en Sciences Sociales (LERASS, Université de Toulouse 3, France), se propose de contribuer à l'enrichissement des perspectives des problématisations issues de ce champ de recherche, par le biais d'une possible « grille de relecture » des rapports et déterminations entre éthique et professions de l'information et de la communication. De fait, cette grille pourrait mettre en exergue certaines différences / tensions / complémentarités relatives à l'éthique (ou les éthiques) des/dans les diverses professions de l'information et de la communication. Dès lors, le questionnement princeps inclue des interrogations centrales, du type : quelles sont ces professions et quelles sont leurs (éventuelles) particularités ; existe-t-il pour ces professions – et ceci quelles que soient leurs spécificités propres, leurs domaines d’application singuliers (communications organisationnelles, interpersonnelles, sociales, etc.) – des caractéristiques communes ; le cas échéant, est-il possible de déterminer « une » éthique – ou « une » morale, selon les définitions attribuées à ces termes… – qui serait propre à ces professions ; comment l’enseigner ; comment l’améliorer..?
D’une façon plus générale, ce colloque se veut être un forum au cours duquel les participants apporteront des éléments de réponse aux questionnements ayant des implications éthiques relativement aux professions participant du domaine de l’information et de la communication.